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Le numérique en santé

Pour répondre à la question de savoir si les médecins rencontrent des difficultés à s’approprier, il faut d’abord la restituer dans le contexte contraint de l’exercice libéral aujourd’hui, qui s’étend aussi au numérique.
Les libéraux se sont emparés depuis longtemps des logiciels de gestion des cabinets, en un temps où il n’existait ni normes, ni régulation d’un secteur qui bénéficie d’une croissance exponentielle depuis quelques années.
L’outil numérique permettait de conserver, classer et accéder facilement aux données des consultations tout au long du parcours d’un patient, l’intérêt pour la qualité du suivi était évident et les médecins ne s’y sont pas trompés.
L’absence de régulation dans le domaine a amené certains à de grandes déconvenues, par exemple lorsqu’ils devaient changer de logiciel par choix ou nécessité : les données ont été bien souvent impossibles à récupérer, perdant ainsi de précieuses informations.

Il était donc nécessaire de légiférer sur le sujet.
Aussi, nous pourrions considérer la question sous 4 angles :

  • Les outils numériques
  • Les enjeux du numérique

Les outils se sont multipliés : depuis les agendas aux lignes, aux aides au diagnostic et à la prescription, en passant par les LGC, les messageries instantanées et les gestionnaires de documents, chacun peut y trouver son bonheur, pour peu qu’ils y mettent le prix.
A côté des grands groupes, on trouve aussi des développeurs de plus petite envergure mais dont les succès peuvent être foudroyants, tels que Doctolib et son quasi-monopole actuel sur les agendas de prises de rendez-vous.
Les outils utiles aux médecins sont ceux qui leur font gagner du temps et de l’organisation : leur LGC bien évidemment, les agendas en ligne lorsqu’ils sont correctement paramétrés et les messageries. Les plateformes plus complexes de prise en charge multidisciplinaire, de coordination régionale ou de pathologies spécifiques arrivent après car elles ne répondent pas aux besoins primaires.

Les enjeux du numérique sont majeurs. Au point que le virage numérique de la Santé en est une commande directe du Président de la République. Au-delà de l’affichage politique, le numérique au sens large est surtout une énorme pompe à données.
Chaque cabinet médical, chaque établissement recèle les données non seulement médicales, mais personnelles de milliers de patients, dont l’exploitation autorise les rêves les plus fous en matière de gestion des risques ou simples analyses épidémiologiques.
Jusqu’à présent la plus grosse banque de données d’Europe est celle de l’Assurance Maladie, le SNIIRAM, dont l’exploitation, très règlementée, permet des analyses très fines. Non seulement en matière de dépenses de santé, mais aussi de prise en charge, de coût par pathologie, déclinable du national à la commune.

Cette traçabilité des pratiques à travers les données des outils est un fort enjeu de santé publique.
Mais cet enjeu ne « tient » que si les données peuvent circuler.
Or, dans la jungle des outils utilisés aussi bien en ville qu’à l’hôpital, bien peu sont capables de communiquer entre eux, pas plus que d’alimenter le DMP, arlésienne de la santé numérique.
Il était donc nécessaire d’établir quelques règles, profitables à chacun, y compris aux libéraux, bien souvent victime de développeurs peu scrupuleux qui ne proposaient aucun process de transfert de données en cas de changement de logiciel ou cessation d’activité.

Voici donc venu le temps des outils institutionnels, et leur cortège de normes et labellisation.

Si la tentation initiale a pu être d’imposer des outils au public comme au privé, le principe de réalité a amené rapidement un changement de cap. L’État a lourdement investi dans des outils de coordination, devant favoriser le e-parcours, pour des parcours complexes, outils qui connaissent un succès mitigé car lourds, peu ergonomiques, chronophages et davantage tourné vers l’hôpital public et le médico-social que la ville…
En revanche, ils répondent à toutes les normes de sécurité et de confidentialité.

Il y a donc conflit dans les enjeux des outils : les médecins veulent des outils simples qui leur font gagner du temps médical, les institutionnels veulent des outils amassant beaucoup de données de façon sécurisée, au prix de l’ergonomie.
Les institutions semblent avoir bien compris cette problématique, mais les vagues du Ségur s’enchainent sans réel changement de cap, il n’est pas certain que les informations en provenance du terrain remontent correctement à la DGOS ou l’ANS.
Le mythe de l’outil qui va régler les difficultés de notre système de santé est donc en train de tomber, il était temps.
Les déboires de la plateforme du SAS en sont un des exemples.

Il y a une autre explication à la réticence envers les outils : la peur du flicage, de l’obligation et de la prise de contrôle sur nos activités.

A un moment où l’offre et la demande sont si déséquilibrés, on peut comprendre la tentation de mettre la main sur du temps médical, et donc la réticence à laisser faire, compte tenu du peu de moyens attribués pour réellement améliorer les conditions de travail des professionnels libéraux. N’oublions pas que l’immense majorité des fonds Ségur a été fléché vers l’hôpital et les éditeurs…
Si les enjeux des outils, on le voit, sont complexes, les outils des enjeux eux ne manquent pas : chaque développeur propose des outils de plus en plus performants, de plus en plus sophistiqués et l’IA s’invite dans le paysage.
Mais peu ont réellement compris les besoins du terrain, ils essaient de faire un mix plus ou moins heureux entre ce qu’ils croient savoir des besoins et les injonctions des ministères, afin de respecter les nécessités de communication des différents systèmes d’information entre eux.

Le risque, finalement, est qu’une société commerciale développe l’outil parfait pour la ville, capable de communiquer avec l’hôpital, sans se préoccuper outre mesure des normes et s’impose alors sur le terrain. S’agit-il d’un risque ou d’une opportunité ? La question peut se poser.

Il sera alors toujours temps d’investir plus lourdement enfin dans l’interopérabilité, mais là encore, nul doute que des sociétés commerciales sont déjà sur les rangs.

Dr Dominique Thiers-Bautrant

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